Champion de France National Open 1995, Stéphane Dassé ne pouvait pas se douter à l’époque de ce que
ce sport allait lui apporter, en bien comme en mal. Vingt-six ans plus tard, “Steph” est plus que jamais à la tête de l’entreprise Bud Racing qu’il a fondée, d’un team qui a vu éclore les plus beaux bourgeons du MX français, et même d’un terrain qui s’est vite imposé comme une étape incontournable pour les pilotes pros comme amateurs, tout en gardant un œil sur sa filiale aux Etats-Unis ou en organisant au pied levé un championnat de France Elite en pleine pandémie. Ça valait le coup de discuter un petit moment avec lui, même s’il n’est pas facile à faire tenir en place aussi longtemps. Un garçon occupé !
Déjà, comment tu t’es retrouvé à faire de la moto ? C’est une histoire de famille ?
Non, pas du tout. Mes parents n’avaient rien à voir avec ça. Ils étaient plutôt dans le folklore landais, les vaches landaises et tout ça. Tous les hivers, j’allais voir la course de sable à Hossegor près de chez moi. J’ai tanné mes parents pour arriver à avoir une moto vers 10 ans et après, je me suis débrouillé pour gagner trois sous et m’en acheter une. A l’époque, c’était beaucoup plus facile que maintenant, donc on roulait dans les bois en face de chez moi avec les copains et ça a commencé comme ça. Après, je n’ai jamais lâché, je demandais à mes parents de m’emmener à droite-à gauche rouler, mais on n’y connaissait rien.
Un jour, je crois que c’était en 1984, on a vu dans Moto Verte qu’il y avait une course qui s’appelait Minivert à Valence. On s’est pointés là-bas avec mon 80 CR de 1982, je n’avais jamais mis les roues sur un terrain ! J’ai pris deux tours, on était complètement à côté de la plaque ! Il y avait les Bolley, Bayle, Demaria, qui étaient affutés à fond. ON a halluciné ! On a découvert que ce n’était pas le même monde que de rouler dans les bois ! Mes parents m’ont dit : « Laisse tomber, tu n’es pas fait pour ça ! ». On a arrêté un petit peu, puis genre un an et demi après, on a recommencé, avec des courses en ligue, et c’était parti !
Qu’est-ce qui t’a manqué pour faire carrière, considérant que tu n’étais pas loin à un moment ?
Disons que j’ai toujours su que je ne ferais pas de la moto mon métier en tant que pilote, mais c’est vrai que j’ai roulé, oui. Quand j’étais en troisième, j’étais pas mauvais à l’école, et encore une fois, j’ai vu dans un magazine qu’il existait un sport-études moto au Mans. J’ai encore tanné mes parents pour y aller, mais le collège ne voulait pas que j’y aille pour faire un BEP, parce que c’est tout ce qu’ils proposaient à l’époque. Finalement, ma mère a dit : « Si c’est ce que tu veux faire, vas-y, fais-le ». J’ai été pris, c’était les tout débuts avec Jean-Claude Chemarin. Je me suis retrouvé avec Gérald Ducardonnet, Rodolphe Beau, Sébastien Gricourt… J’ai fait deux ans là-bas, puis je suis revenu faire une seconde et une première normales chez moi. J’allais sur les courses avec ma mère, parce que mon père travaillait. Du coup, ma mère préparait la bouffe pour nous et pour Xavier Fabre et son père qui venait tout seul aussi, et le père Fabre faisait ma mécanique.
On se débrouillait comme ça, en s’entraidant entre familles. Après, quand je voyais Fred Bolley, Pichon qui était très en avance, je savais que j’allais avoir du mal à en vivre… Mais on faisait l’Elite, le National, le championnat de France SX à la grande période Jean-Luc Fouchet… Et j’avais une bonne aide de Yamaha pour les courses de sable parce que je roulais pas mal là-dedans. Même si j’ai été champion de France National, ça a toujours été avant tout du plaisir. J’ai fait un peu d’Europe 250 aussi, en Espagne à Jerez ou Agueda au Portugal. J’ai roulé au Stade de France en SX aussi. Mais je ne m’entraînais pas, ou alors de temps en temps un mercredi. Quand je vois ce qu’ils font les jeunes aujourd’hui, ça n’a rien à voir !
Comment est né Bud Racing ?
On a commencé en 1995 avec Philippe Dartiailh, alias Bud, et mon frère (NDR : Sébastien, disparu en janvier 2018) comme apprenti. Je connaissais Philippe parce qu’il accompagnait un pote à moi d’Arcachon sur les courses quand on était en 80 cm3. Philippe était diéséliste à l’époque, mais il était passionné et faisait toujours des motos nickel. Comme je ne venais qu’avec ma mère sur les courses, il a eu un peu pitié de moi et de voir avec quoi je roulais. Il me propose de récupérer la moto après la course et de me la ramener sur celle d’après. J’avais récupéré la moto flambant neuve ! On est toujours resté en contact après. Moi, j’avais toujours dit que je ferais un truc dans le domaine de la moto. Il m’avait dit que si un jour je montais quelque chose, il fallait le prévenir, s’il en avait marre de bouger par exemple. A l’époque, je roulais avec des motos Pro Circuit, par l’intermédiaire de Xavier Audouard qui est presque un voisin puisqu’il est d’Hossegor.
On envoyait les suspensions et les cylindres aux Etats-Unis, mais c’était compliqué, ça ne marchait pas avec l’essence d’ici… Il n’y avait rien ici niveau préparation, du coup je me suis dit que c’était ça qu’il fallait faire. J’en ai parlé avec Philippe, qui était avec Yves Demaria à cette époque, et qui, justement, en avait marre de bouger. On a attaqué comme ça en mai 1995 en réquisitionnant le garage de mes parents comme atelier. Ça faisait quoi ? Pfff, 30 mètres carrés. C’était tout petit, on sortait les motos le matin, on les mettait dehors sous une bâche et on les rentrait le soir. On avait un petit tour et on a commencé comme ça. Vu qu’on connaissait du monde, entre ses relations et les miennes, ça a été assez vite.
C’était qui vos premiers pilotes ?
J’étais pote avec Thierry Béthys, donc on lui a fait des trucs. Ensuite, Jacky (Vimond) était dans le coin avec Seb Tortelli, donc on a commencé à lui faire les motos aussi. Après, ça a pris très vite et on a construit notre nom comme ça. Au début, moi je travaillais en parallèle, je ne me versais pas de salaire, je réinvestissais tout. Seul Philippe était salarié, et mon frère apprenti. Ça a duré quelques années comme ça. En 1999, on n’en pouvait plus, donc j’ai fait construire un bâtiment dans la zone d’Hossegor. Quand on est arrivés là, on s’est dit : « Waouh, c’est géant ! ». Et en fait, on a vite été obligés de louer des locaux dans le coin pour faire du stockage, etc. On est resté douze ans, et en 2013, on a racheté l’Intermarché qui était en face de chez nous. Eux, ils voulaient agrandir pour passer en hypermarché. On a tout réaménagé pour en faire nos locaux où l’on est encore aujourd’hui.
Ça a été vite ! Tu t’y attendais, à ce succès ?
On n’a pas vu le temps passer ! Non, on ne s’y attendait pas, même si on voulait évidemment faire un truc bien. On voulait proposer un service qui n’existait pas ici, et ça s’est développé au fur à mesure. A la base, on ne faisait que des préparations, puis on continuait à faire venir des pots de chez Pro Circuit. Mais on galérait parce qu’on était obligés de les recouper par rapport à nos préparations, par exemple… C’est là qu’on s’est dit qu’au lieu de continuer comme ça, on allait faire nos propres pots. On a contacté HGS et ça a commencé comme ça. Tout s’est fait naturellement. Par contre, on a toujours investi pour faire bien. On a vite acheté un banc d’essai, par exemple. Niveau matos, on avait les meilleurs outils, tout ce qu’il faut pour bien travailler. Et aussi répondre à la demande du mieux possible. Comme avec les culasses, c’est un autre exemple : plutôt que de la faire envoyer, la modifier, le renvoyer, c’était plus simple et logique de fabriquer une culasse qu’on a développé et de la mettre à la disposition du client.
Aujourd’hui, ça représente quoi Bud Racing en matière de locaux et d’employés ?
On a 10 000 mètres carrés de terrain et 2 000 de locaux. Plus quelques autres locaux de stockage qu’on loue, parce qu’ici, dans le bâtiment, c’est vraiment juste shop, atelier, stockage des pièces principales et bureau. On va agrandir un peu les bureaux parce qu’on est un poil à l’étroit. On a embauché un designer sur place qui fait nos pubs, un autre qui dessine les pièces qui est aussi sur place, donc on manque encore de surface. Même si on n’est pas dans l’idée de s’agrandir, on veut s’aérer un peu plus. Sans le team, on est à peu près une vingtaine. Le team en plus, tu rajoutes une dizaine de personnes environ.
Tu as aussi une filiale aux Etats-Unis, il me semble ?
Oui, depuis 2011-2012. On avait un peu de demande là- bas, mais c’était compliqué avec les douanes pour expédier les pièces, etc. Une fois, j’étais là-bas et je vois un bâtiment à vendre à Lake Elsinore, à l’entrée du terrain. Je prends des photos en rêvant un peu, je dis bonjour et je discute vite fait avec les gens. Ensuite, j’ai envoyé David Vuillemin là-bas faire l’agent immobilier, visiter le local. Il m’a dit : « C’est nickel, fonce ! » et on a acheté. Au début, on a commencé avec un Français sur place qui était tout seul pour gérer. Maintenant, on n’a que des Américains qui s’en occupent. Ça nous appartient, mais ils sont quasiment indépendants. Ils reçoivent les pièces fabriquées en Europe et on fait fabriquer des pièces aux Etats-Unis aussi. Ça tourne bien, et en plus, ça nous permet d’avoir un petit pied-à-terre quand on va là-bas. Il y a un atelier, du stockage, des bureaux, et c’est hyper bien placé, à l’entrée du terrain et pas loin de toute l’industrie du MX et des terrains.
Comment est née l’idée de monter un team ?
Rien n’a été prémédité, c’est une histoire d’opportunités. Le team est né pour aider Marvin (Musquin). Ca devait être fin 2006. Marvin roulait avec des pièces Bud depuis tout petit, quand il était en 85 cm3. Il était presque voisin, il habitait à une heure et demie de chez nous. Kawasaki France lui donnait un coup de main et nous aussi, mais rien n’était vraiment cadré. On a proposé à Kawasaki France de monter une structure pour l’emmener en Europe, embaucher un mécanicien. Kawa aidait aussi Loïc Rombaut, donc ils nous ont demandé de le prendre aussi et c’est parti comme ça, Europe/Elite. On a acheté un vieux poids lourd à JK Racing en Italie qu’on a repeint. C’était familial, le père de Marvin, Jean-Michel, faisait partie du team. On a fait débuter Fred Maury en mécano, qui a fait une belle carrière depuis. A l’atelier, on avait tout ce qu’il fallait niveau matériel et compétences. Ça nous a mis le pied à l’étrier et on a continué petit à petit.
Déjà l’année d’avant, tu étais de l’aventure avec Marvin aux USA, c’est ça ?
Oui, on a fait le jour de l’an ensemble et on est partis aux USA le lendemain. Eric Sorby nous avait hébergés. On avait loué un pick-up pour aller s’entraîner et Eric nous servait de guide pour aller sur les pistes. Les parents de Marvin nous avaient rejoints quinze jours plus tard, ils avaient loué un camping-car. On découvrait les US ensemble. C’était top. L’année d’avant, fin 2006, on l’avait déjà emmené faire l’US Open de Las Vegas pour découvrir ce que c’était, prendre la température.
Tu as toujours eu les yeux tournés vers les USA en fait !
Oui, c’est sûr que niveau MX/SX, c’est quand même la référence là-bas. On avait déjà fait l’expérience avec Jérémy Tarroux aussi en 80 cm3. J’ai toujours voyagé grâce au folklore landais de mes parents. On a fait la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à Séoul, on a travaillé un mois à Disney World en Floride, voyagé en Concorde et tout ! On a fait plein de choses avec peu de moyens. Déjà en 1996, j’étais parti en Floride avec Thierry Béthys grâce à une connaissance qui avait un atelier de préparation comme Bud Racing. On est restés un mois, on a acheté une Honda 250 CR et on faisait les courses ensemble avec la même moto ! J’étais en moins de 23 ans et lui dans une autre catégorie, donc, quand je terminais ma manche, je lui amenais la moto sur la grille et Béthys partait ! Des souvenirs incroyables. A Dade City, j’étais à côté de Ricky Carmichael sur la grille. Il sortait juste du 80, il était un peu bouboule. Béthys me dit : « Oh, le petit gros, tu vas le tordre ! » Enorme ! J’avais emprunté l’argent à ma grand-mère pour acheter la moto, du coup, je me suis débrouillé pour la ramener et la revendre en France pour la rembourser. On a bricolé un peu, au début ! C’est pour ça que quand j’ai eu l’occasion d’acheter à Lake Elsinore, je n’ai pas hésité. Au moins, on est chez nous, on n’a pas besoin de mendier pour des outils ou des trucs comme ça. Et quand il y aura de nouveau des courses en Californie, on pourra repartir là-bas pour rouler avec le team. Surtout que nos jeunes veulent faire du SX, ça fait partie de nos objectifs.
Tu as une idée du nombre de pilotes qui sont passés par chez toi ?
Non, franchement je ne sais pas, mais c’est sûr que ça fait un paquet. D’autant qu’un team, ce n’est pas comme une entreprise, les gars ne restent généralement pas longtemps. On a eu la chance de travailler avec des tops en fin de carrière comme David Vuillemin avec qui on a beaucoup appris, comme pilote et comme entraîneur après. Ou des jeunes comme Dylan Ferrandis, Brian Moreau, tu apprends aussi mais des choses différentes. Ce sont des bons souvenirs.
Comment on fait pour gérer une boîte de cette ampleur, trouver des sponsors pour le team, manager la structure… en même temps ? Tu ne dois pas beaucoup dormir !
Ca fait beaucoup, c’est sûr. A une époque, j’en faisais beaucoup beaucoup tout seul, énormément d’heures. Au fur et à mesure, j’ai une équipe qui s’est construite autour de moi, ça devient plus facile. Par exemple aujourd’hui, pour ce qui est du management des pilotes, j’ai Thierry Van Den Bosch en qui j’ai totalement confiance. Au niveau de la société, j’y suis tout le temps, mais j’ai une équipe assez rodée, des bons éléments autour de moi. Au niveau sponsoring, je travaille avec Fabrice Dufresne d’Off Course depuis quatorze ans. Des fois une opportunité va naître d’une discussion et eux prennent le relais ensuite. Mais j’en fais beaucoup, je suis tout de près quand même, que ce soit la boîte, le team, les US…
Tu as appris à déléguer, quand même !
C’est assez récent ! Ça fait quelques années, ça va mieux avec l’âge. Ça me permet de faire tout ça et de vivre un peu à côté. Avant je faisais tout, mais c’était difficile de vivre à côté.
Bud Racing a souvent des idées décalées, que ce soit au niveau du choix des pilotes ou de la communication, par exemple. Elles sortent d’où, ces idées ?
La plupart des pilotes, c’est moi qui les choisis. Même si maintenant, je vois aussi avec Thierry VDB. Pour le reste, souvent, je faisais un peu tout tout seul et je m’appuyais sur mon frère pour valider. Depuis que mon frère n’est plus là, je m’appuie sur mes proches qui ont appris à me connaître. La Bud Racing School, par exemple, c’est moi, je voulais faire un truc genre Les Sous-doués parce que j’adore ce film. Le braquage, ca a dû naître autour d’un apéro avec Serge Nuques et Eric Sorby, un truc comme ça. Comme on travaille depuis longtemps avec le même réalisateur, il sait ce qu’on attend et on se met vite d’accord. Donc pour répondre plus précisément, c’est de plus en plus un travail d’équipe. Le petit Coenen par exemple, c’est Sorby qui m’envoie une vidéo d’un 85 à Magescq. Il me dit : « Tu devrais venir voir au terrain, il y a un jeune qui envoie grave ». J’y vais, je passe le week- end là-bas et je découvre un mini Herlings ! Du coup, j’en ai parlé avec Thierry, on en rencontré les deux frères, les parents et voilà. Pareil pour Håkon Fredriksen, Eric l’avait vu rouler et m’avait demandé de lui donner une chance. En juillet 2020, avant qu’il fasse des résultats, on l’avait fait venir ici, déjà. Thierry m’avait dit : « OK, à voir… » et après, il a fait des top 5 en Europe, donc ça s’est fait comme ça. Cette année, on a une très bonne équipe avec un très gros potentiel. On se régale en tout cas.
Tu formes surtout des jeunes, c’est pas trop dur de les voir partir ?
Non, je ressens plus de plaisir à former des jeunes, leur apprendre le métier que de prendre des pilotes déjà établis. Sans compter que ce n’est pas le même budget. Notre but, c’est vraiment de prendre des jeunes qui sont un peu entre deux niveaux, et de les amener au top en Europe et ensuite en Mondial MX2. Ou aux US, d’ailleurs, parce qu’ils sont tous intéressés pour y aller. Une fois qu’ils y sont, ils font ce qui veulent. Nous, on leur donne les moyens d’atteindre ce niveau pour Kawasaki, et ensuite à eux de s’épanouir en restant dans la famille Kawa. Ça a été décevant avec Brian Moreau, par exemple, parce qu’on avait un projet à moyen terme avec lui, jusqu’au MX2 fin 2020. Quand le contrat s’est terminé avant parce que KTM a mis la pression, oui, on a trouvé ça dommage. Mais que les pilotes partent de chez nous pour aller dans un team d’usine, au contraire, c’est le top. A partir du moment où on est ar- rivé au bout de ce qu’on voulait faire avec eux, c’est satisfaisant. Avec Brian, c’est frustrant parce que justement, on n’a pas été au bout. Pour Dylan (Ferrandis), par exemple, on n’a aucun regret.
Depuis que tu as commencé sur les GP, tu as dû voir une sacrée évolution. En bien ou en mal ?
C’est difficile à dire. Il y a du bon et du mauvais. On peut regretter l’époque où il y avait des qualifs et où les 40 meilleurs passaient et repartaient avec une prime qui permettait d’au moins couvrir les frais. Maintenant, tu payes ta place sur la grille, presque. C’est un peu dommage pour les jeunes, par exemple, qui auraient pu se montrer. Après, l’Europe est très bien structuré, le Mondial super bien organisé, mais c’est clair ça coûte énormément d’argent. C’est vrai que ce que fait InFront, c’est très professionnel, mais c’est sûr que pour y arriver en tant que pilote, gagner sa vie, il faut être bon ! Sinon, il faut avoir du recul pour analyser ta situation et faire une carrière en SX Tour ou dans le sable, par exemple.
Tu as ajouté une corde à ton arc avec le Bud Training Camp. Pourquoi s’être lancé dans cette aventure ?
L’idée, elle est venue à force d’entendre des clients et des potes qui venaient chercher leurs suspensions me dire : « Ce week-end, on va rouler où ? Tout est fermé… ». Je me disais qu’il y avait un souci. Quand je voyais comment ça se passait aux US, ça n’a rien à voir. Ça te prend l’envie d’aller rouler, tu y vas et tu roules, tu ne te demandes pas si ça va être ouvert. Les gens te disent qu’il n’y a pas de potentiel moto ici, mais ce n’est pas vrai, il manque surtout des endroits pour pratiquer. J’en avais marre d’entendre qu’on ne peut pas rouler. Pour moi, le MX est un sport familial. Tu viens avec le camping-car ou le fourgon, les enfants, les parents, tu te poses au bord du terrain et tu vas rouler. C’était ça le but : avoir un spot ouvert tout le temps, où tu ne te poses pas de question. En plus, dans la région, on entendait des motos rouler dans la forêt, ça ne donnait pas une super image. J’ai commencé à monter des dossiers pour faire un “centre de loisirs tout-terrain”, je n’avais pas parlé uniquement de motocross, et je l’ai envoyé à 80 communes pour savoir s’ils avaient des terrains à vendre ou à louer. Finalement, deux nous ont répondu, et seule Magescq nous a laissé une porte ouverte. On est tombés sur des gens ouverts qui nous ont mis en relation avec des propriétaires susceptibles de vendre des terrains. On n’a rien lâché et on ne les remerciera jamais assez. La première lettre, on l’a envoyée en 2008 ou 2009, pour pouvoir ouvrir en 2018 ! Tu imagines le chantier ! Le parcours est vraiment long, d’autant qu’on a voulu faire tout absolument dans les règles. On a galéré, mais jamais lâché ! Et maintenant, moi qui n’avais pas roulé depuis des plombes, ça m’arrive quand les conditions sont bonnes de prendre une moto le Samedi matin et d’y aller avec ma fille. On se pose, bien installés, on n’est pas comme des voyous et on se régale. C’est exactement ce que je veux pour le MX. Là, on est en train de faire une autre piste plus axée débutant, avec de la terre pour que ce soit plus facile. On essaye de développer.
Est-il rentable ?
Les deux premières années, non. L’an dernier, on a équilibré, grâce aussi à l’Elite. On ne gagne pas d’argent, mais de toute façon, ce n’est pas le but. C’est une association, on n’est pas là pour ça. Par contre, ça nous permet d’être capables d’investir dessus, de continuer à développer, d’accueillir mieux les gens. Ça commence à aller mieux, mais on va trouver d’autres idées pour continuer d’investir !
Tu organises même des courses sur ce terrain maintenant !
Ce n’était pas prévu, mais quand on a vu toutes ces courses annulées, je me suis dit on va où, là ? Nous, on a des comptes à rendre à nos partenaires, il faut faire des courses pour les montrer. Je me suis dit que si personne ne se bougeait, on allait le faire. J’ai appelé la FFM pour le leur proposer, mais ils m’ont dit que je ne pouvais pas, que ce n’était pas possible. Nico Aubin et Mickaël Pichon l’ont appris et ont mis la pression sur la fédé, et finalement, ils m’ont appelé une dizaine de jours plus tard. Je leur ai demandé, par contre, de ne pas me laisser faire seul, de venir sur le site et qu’on voie ensemble. Ils sont venus, ça s’est super bien passé, avec la découverte de gens vraiment motivés, des anciens hyper motivés et jeunes d’esprit. Encore une fois, c’est une histoire de discussions, d’opportunités qui a amené à ça et tout s’est super bien passé.
Comment tu vois la suite ? Dans cinq ans, dans dix ans ?
J’espère avoir plus de temps pour moi, pour pouvoir profiter un peu plus ! Pas dans les cinq prochaines années, parce que je suis sur ma lancée. Je n’ai pas l’objectif de grossir, on verra ce qui se présente à nous. Là, on va avoir un tout nouveau site Internet pour mieux servir nos clients. En général, quand tu les sers mieux, ils te le rendent et tu as de plus en plus de travail. On veut aussi continuer à développer le Training Camp, accueillir les gens de mieux en mieux.
Dernière question : tes plus grosses déceptions et tes pilotes préférés ?
Déception, c’est facile : quand on a pris Khoun-Sith Vongsana, en 2008. Ça s’est très mal passé. Les résultats n’étaient pas là, il ne s’entendait pas avec l’entraîneur… Rien n’allait. Il n’y a pas eu d’alchimie entre lui et nous. On n’a pas pris de plaisir, ça a été une année pourrie. Autre déception, j’en ai déjà parlé, c’est le fait que Brian soit parti trop tôt de chez nous. Tous les autres, pour moi, ce sont des super souvenirs. Marvin nous accueille chez lui quand on va aux US. On a eu des moments top avec des pilotes comme Darian Sanayei, l’Américain. Pareil avec le Vénézuélien Lorenzo Locurcio, on a découvert un mec super, avec un état d’esprit génial. Ce n’est même pas par rapport au niveau du pilote, c’est l’humain. Dans l’ensemble, on a eu 95 % de pilotes vraiment plaisants avec qui on a passé des bons moments. Même un pilote comme DV, qui sortait des teams d’usine, il nous a aidés à avancer et ça a toujours été génial avec lui. Et pourtant, il a son petit caractère, DV ! Maxime Desprey était là la semaine dernière à l’entraînement. On s’est créé des souvenirs extraordinaires quand on l’a emmené rouler aux US. C’est dans les voyages que tu peux créer ce genre de lien, d’alchimie. C’est pour ça que dès que ce sera possible, on va retourner rouler aux Etats-Unis avec l’équipe. Je ne sais pas si ce sera en outdoor, en SX, à la Monster Cup ou quoi, mais on va y retourner.